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Abdelhak Sadequi

Auteur, écrivain-poète plurilingue

Abdelhak Sadequi,

Franco-Marocain, écrit en deux langues le français et l'arabe.

Son écriture est l'exemple type d'un métissage souhaité à la fin des années 1970 et début des années 1980 d'une population issue d'une immigration choisie. Lire plus>>

Dire les mots ...

Comme celui qui bègue
On en retient uniquement, le comment
Le fond est oublié, pour la blague
Alors que lui parle sincèrement.

Par ce fléau il vit une longue fatigue,
Les mots échappent et ...

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Philippe BLANCHETPhilippe BLANCHETPréface de M. Philippe BLANCHET

Abdelhak Sadequi a un beau jour eu ce beau geste de me faire la confiance de me montrer ses poèmes en arabe, un peu comme une confidence, avec une grande humilité. Il connaissait mon intérêt pour le Maghreb, mes écrits sur ses dynamiques sociolinguistiques – et peut-être aussi mes propres poèmes en provençal, ma familiarité personnelle et professionnelle avec cette autre rive de la Méditerranée qui nous réunit. Je comprends et je parle un peu l’arabe maghrébin, surtout l’algérien, pour les interactions usuelles. Je ne sais pas lire l’arabe et je ne connais pas l’arabe standard. Abdel avait eu la délicatesse de me préparer des traductions en français. Mais je lui ai demandé de me lire ses textes en arabe pour en entendre la musique. Elle a été douce et chaleureuse à mes oreilles. Et puis j’ai lu ses traductions, très travaillées, qui sont autant de véritables poèmes. J’ai beaucoup aimé ses textes.

J’ai alors encouragé Abdel à poursuivre et à écrire aussi en français et en marocain. Je suis très attaché au plurilinguisme en général et à celui qui inclut des langues populaires en particulier. Le marocain d’Abdel est l’équivalent, toutes proportions gardées, de mon provençal qui a donné tant de poésie et que la dureté d’une Histoire a tant marginalisé : langue de la vie, langue du cœur, langue d’une façon particulière, profonde et directe d’être au monde. En écrivant dans trois des principales langues du Maroc (A. Sadequi n’est pas amazighophone) et en ajoutant une traduction de ses textes en amazighe, en écrivant pour être aussi mais pas exclusivement lu en France où il vit, le poète restitue de cette pluralité qui nous caractérise et nous ouvre ainsi grandes les portes de l’échange et de la fraternité. Une prochaine fois, il faudrait réussir à ce que certains de ses textes soient aussi traduits en amazighe.

L’organisation même de ce livre est un bel exemple d’une diversité assumée et bien intégrée. Si on ouvre le livre de droite à gauche, on commence par des textes en marocain et en alphabet arabe, non traduits, ce qui présente l’avantage de ne pas placer cette langue populaire en dépendance d’une traduction dans une langue dominante (français ou arabe standard). Et puis on arrive sur des textes en arabe standard avec leur traduction en français à gauche. Et en enfin on arrive sur des textes directement écrits en français. Et si on fait le chemin inverse, de gauche à droite, on passe progressivement du français à l’arabe standard et on revient au marocain. Belle métaphore paginée des chemins d’une vie entre plusieurs langues et plusieurs pays, dont A. Sadequi a fait un poème : Mon  parcours ... Et pour ne laisser personne au bord du chemin, A. Sadéqui a fait traduire ses poèmes en amazighe, autre langue du Maroc et du Maghreb. En toute continuité, nous avons choisi de préfacer ce recueil à deux voix, quatre mains, deux langues croisées arabe et français avec mon collègue Chokri Mimouni, enseignant-chercheur en langue et culture arabe à l’université Rennes 2.

Lu de gauche à droite, en français pour commencer, le volume s’ouvre sur ce magnifique texte programmatique de recherche de beauté, de clarté, d’eau vitale pour lutter contre la barbarie des humains : « Ma dot est mon verre de Cristal » nous offre le poète. Lu en sens inverse, c’est sur ce texte que s’achève le recueil, et là aussi le texte est mis en relief. Introductif ou conclusif, peu importe, il fait boucle, il fait cycle, il fait mouvement en étant début et fin à la fois. Ce thème de la quête d’un autre monde, plus humain, revient régulièrement dans les textes d’A. Sadequi. Dans, Paroles, dans Azur, par exemple, ces mots évocateurs : « Garder l'union / Et bloquer la fissure ». Dans d’autres, la quête philosophique se concrétise en quête politique, dans  Une partie, dans Apocalypse, dans Enarque, dans Halte, dans Décision de l’autorité, dans Horiya (la liberté) qui n’est pas sans rappeler des chansons de Moustaki ou de HK & les Saltimbanks, autres « métis » venus de Méditerranée... Et puis les textes évoquent avec une humanité vibrante des cas précis, comme dans La Réforme sur la France devenant pays totalitaire sous les avancées de l’obscurantisme religieux, et c’est bien sûr le petit peuple qui le subit de plein fouet. Comme dans Le Pays du Shâm évoquant la guerre en Syrie. Nous voici donc en pleine actualité et les dictatures et les bourreaux au sein du monde arabe en prennent pour leur part, par exemple dans Aucune trace qui parle d’un disparu victime d’une dictature (peu importe laquelle, du reste). Le poète donne la parole a une femme usée par la pauvreté dans Dénuement, qui s’achève par ces mots forts : « La pauvreté a un emblème / Les enfants du dénuement ».

Dans Ma place au sein du temps, ces vers finaux où le pudique mot « zut » pourrait se lire « merde » à la façon d’un Léo Ferré, d’un Jacques Brel ou d’un Georges Brassens :

« Et que les voix scandent
Zut à l'humiliation et la frustration
Zut à la domination du mensonge et de l'obscurité »

D’ailleurs un autre texte nous le dit : Je gueule… « pour que l’injustice cesse ».  Comme je partage cette indignation et comme je suis touché par la si belle façon dont elle est dite-chantée dans les textes d’A. Sadequi, qui évoquent même dans Apprentissage, les méfaits de l’évaluation chiffrée en écrivant pour toute fin :

« Les classes se font ainsi par héritage / Et Bourdieu en a fait l'ouvrage »...

De son parcours, A. Sadequi tire aussi deux très beaux textes, l’un Aquarelle marine, qui n’est pas sans évoquer la Bretagne, l’autre Afin que je revienne, qui demande à un ami du nid d’origine :

« Dis moi s'il me reste une place parmi vous
de toutes choses avec exactitudes et détails,
Pour que je puisse raisonner parfaitement mon destin »

Et ces textes nous relient à d’autres, plus intimes, comme Qu’est-il de l’héritage ?, comme Un Prophète qui compte, comme La Sirène, d’une autre tonalité, d’une même esthétique.
 
Je voudrais conclure ce mot d’accompagnement fraternel en soulignant deux textes pour moi exceptionnels de puissance, de beauté, d’humanité, à la fois intimes et interpellants : Transe de l’adversité et D’où pourrai-je, que mes mots seraient bien trop faibles pour commenter. Alors je vais laisser retentir les Youyous pour exprimer ma profonde gratitude à Abdelhak Sadequi de m’avoir confié ces textes et offert de participer à l’écriture de cette préface qui a pour seul but de mettre en valeur sa superbe création poétique :

« Par les Youyous nous commençons pour fêter
Notre tristesse et notre joie,
Nos victoires et nos défaites,
Et par les Youyous nous finissons »
Philippe BLANCHET
Professeur de sociolinguistique à l’Université Rennes 2
Prix Frédéric Mistral de littérature provençale (1992)
Grand Prix Littéraire de Provence (2001)

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